La précarité des certificats d’exportation d’œuvres d’art

Par une décision en date du 6 avril 2018[1], le Conseil d’Etat juge que la délivrance d’un certificat d’exportation de bien culturel ne fait obstacle ni au classement ultérieur de ce bien au titre des dispositions relatives aux monuments historiques, ni à ce qu’il soit qualifié, à ce titre, de « trésor national ».

Pour rappel, l’article L.111-2 du Code du patrimoine dispose que « l’exportation temporaire ou définitive hors du territoire douanier des biens culturels, autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans l’une des catégories définies par décret en Conseil d’Etat est subordonnée à l’obtention d’un certificat délivré par l’autorité administrative. Ce certificat atteste à titre permanent que le bien n’a pas le caractère de trésor national. Toutefois, pour les biens dont l’ancienneté n’excède pas cent ans, le certificat est délivré pour une durée de vingt ans renouvelable (…) ». L’article L.111-4 du même code précise que « le certificat ne peut être refusé qu’aux biens culturels présentant le caractère de trésor national ».

Dans la présente affaire, Madame Minnie de Beauvau-Craon avait obtenu un certificat d’exportation en vue de vendre des objets meublant le château de Craon à Haroué. En 2016, le ministre de la Culture s’est révisé et décida du classement d’une partie de ces objets. Madame de Beauvau-Craon a alors fait valoir que le certificat d’exportation empêchait une telle décision de classement au motif que le certificat suppose que le bien n’est pas un trésor national.

Dans la présente décision, le Conseil d’Etat juge que la délivrance d’un certificat d’exportation d’une œuvre d’art ne fait obstacle ni au classement ultérieur de ce bien au titre des dispositions relatives aux monuments historiques, ni à ce qu’il soit qualifié, à ce titre, de « trésor national ».

Cette décision soulève cependant des interrogations au regard de la précarité des certificats d’exportation d’œuvres d’art dans la mesure où elle permet au ministre de la Culture de revenir sur sa décision d’attribution d’un certificat d’exportation d’une œuvre d’art, empêchant ainsi l’exportation ultérieure de l’œuvre, sans avoir à justifier de circonstances nouvelles.

[1] CE 6 avr. 2018, n° 402065, Mme M. de Beauvau-Craon

 


La responsabilité du commissaire-priseur dans le cadre de la nullité d’une vente pour erreur sur la substance de l’œuvre

Par un arrêt en date du 3 mai 2018[1], la Cour de cassation juge que le commissaire-priseur peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’acquéreur en raison de l’erreur sur l’authenticité de l’œuvre, dès lors qu’il n’a émis aucune réserve à ce propos.

Pour rappel, l’article 1240 du Code civil[2], dispose que « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Dans la présente affaire, une personne a acquis une statue en bronze représentant « un satyre portant Bacchus », accompagnée d’un certificat d’authenticité, au cours d’une vente aux enchères publiques organisée en 2004 par la caisse de Crédit municipal de Paris, avec le concours du groupement d’intérêt économique des commissaires-priseurs. Après le dépôt de deux rapports d’experts remettant en cause l’authenticité de l’œuvre, l’acquéreur a assigné, d’une part, le vendeur en annulation de la vente et, d’autre part, le Crédit municipal de Paris et le GIE des commissaires-priseurs en réparation

des préjudices subis.

Constatant une erreur sur la qualité substantielle de l’œuvre, la Cour d’appel de Paris a annulé la vente et a condamné le vendeur à restituer le prix de vente. En revanche, la Cour a refusé de condamner in solidum les organisateurs de la vente à la restitution du prix de vente au motif que l’acquéreur ne démontrait pas l’insolvabilité du vendeur.

La Cour d’appel de Paris a également retenu la responsabilité pour faute du GIE des commissaires-priseurs au motif qu’il avait procédé à la vente sans émettre la moindre réserve sur sa valeur.

Dans la présente décision, la Cour de cassation confirme l’annulation de la vente de la statue, entrainant une obligation de restitution du prix de vente. En revanche, rappelant la solution selon laquelle seule l’insolvabilité du vendeur permet de condamner in solidum les organisateurs de la vente, elle renvoie aux juges du fond le soin de déterminer la situation financière du vendeur.

Enfin, la Cour de cassation juge que le commissaire-priseur peut être condamné à des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé à l’acquéreur en raison de l’erreur sur l’authenticité de l’œuvre, dès lors qu’il n’a émis aucune réserve à ce propos alors qu’il bénéficiait d’une connaissance dans le domaine des arts et admettait avoir éprouvé un doute sur l’authenticité de la statue. Cependant, le commissaire-priseur n’étant pas le contractant de l’acquéreur, il ne peut être tenu de lui restituer les frais de vente.

[1] Cass. Civ   1, 3 mai 2018, 16-13.656

[2] Anciennement : article 1382 ancien du Code civil