Les modalités de soutien au secteur du logement en France sont à revoir. Pour Philippe Tannenbaum, analyste financier indépendant, l’immobilier est un produit financier qui doit être mis plus largement à disposition des épargnants.
Article paru sur Boursorama le 12 septembre 2013
L’accès au logement reste une préoccupation majeure dans le pays. Les orientations prises dans ce domaine, et que semblent bien confirmer la loi en cours de présentation, sont affectées par trois vices majeurs.
Le premier est de considérer que l’accès au logement doit se faire par le biais de la propriété, alors qu’on peut être parfaitement heureux en louant : l’important est de faciliter la construction, pas l’accession. Le second consiste à n’aider l’investissement, qui supporte la construction, qu’au travers de dispositifs d’incitation fiscale, qui faussent les raisonnements d’allocation – on achète parce qu’on va économiser des impôts, pas parce que l’actif est de qualité, et du coup on s’expose à des pertes. Le troisième consiste à mélanger considérations économiques et sociales, en n’aidant que le logement social ou quasi-social, et en imposant pour les propriétaires des contraintes diverses qui viennent décourager les velléités d’investissement. Par exemple, la nouvelle loi annoncée imposera une énième modalité de contrôle des loyers.
Une logique tout à fait différente est pourtant possible, et réaliste. Elle consiste à considérer le logement comme le support d’un produit financier, et à le proposer comme tel aux épargnants. Il doit normalement en résulter un afflux de capitaux dans le secteur, une solution au problème de la pénurie par la mise en ouvre de processus naturels de marché.
Un logement, en France, aujourd’hui est un produit financier doté de trois caractéristiques. La première est que sa volatilité est faible. Les prix de l’habitation peuvent certes baisser, du fait essentiellement de la désolvabilisation des ménages, mais les périodes de baisse restent limitées en ampleur et dans le temps, ne serait-ce que du fait de la permanence des besoins et donc de la demande. La seconde est que sa rentabilité se dégage surtout en fin d’investissement. La rentabilité intermédiaire d’un logement, on le sait, est faible. En revanche, la revente doit normalement dégager une plus value, si le produit a été bien acquis, si sa valeur d’origine n’a pas été artificiellement poussée à la hausse par les avantages fiscaux. Ceci est d’autant plus vrai que la situation de pénurie ne résulte pas que d’une insuffisance de construction. Elle résulte aussi de flux socio-démographiques lourds (croissance démographique, recomposition des familles, etc.) qui font que le parc existant doit en permanence être réalimenté. La troisième est que sa rentabilité est indexée, sur les prix et aussi sur l’économie dans son ensemble.
La conjonction des trois fait que le logement libre, ou dît « intermédiaire », se définit comme une obligation zéro coupon : de la dette, à rentabilité intermédiaire faible ou nulle mais finalement bien au rendez-vous in fine, grâce à la revalorisation due à l’indexation et aussi grâce à la plus value finale. Or, de la dette, tout le monde en veut aujourd’hui, car il s’agit d’un produit de placement moins risqué que les actions. On veut surtout de la dette privée, car la dette publique, au moins en Europe ne rapporte plus rien. Et on veut de la dette longue, dans la perspective d’adosser à terme les retraites. Il y a donc une vraie légitimité à proposer ce produit à l’épargne publique.
Les Etats-Unis, lorsqu’ils ont eu à financer un effort de reconquête de leurs centres villes, ont mis en place des programmes d’émission d’obligations, souscrites par des particuliers fortunés. Le réalisme de l’appel à l’épargne a donc déjà été testé.
Une autre voie passe par la Bourse. Elle consiste à constituer un portefeuille d’habitation qui serait versé en Bourse, par l’intermédiaire d’une foncière sous statut SIIC, qui confère la transparence fiscale. Celle-ci acquerrait et construirait pour son compte propre. Elle se financerait par appel au marché de fonds propres et de dette de type obligataire. Les épargnants en achetant ces titres auraient l’opportunité de placer leur argent dans de l’habitation, en plus liquide et à moindre coût fiscal. Ce sont tous les épargnants, y compris peu fortunés, qui auraient accès à cette offre.
En France, l’habitation a déjà été présente en Bourse, avec succès, par l’intermédiaire de foncières spécialisées dîtes SII, dotées d’un statut de transparence fiscale. Le statut des SII a été supprimé sur décision irresponsable de l’administration, bien qu’elles aient beaucoup construit. Avec elles c’est toute l’habitation qui a été abandonnée par la Bourse, parce que la double imposition, au niveau de la foncière plus à celui du détenteur de titres, rendait définitivement le placement sans intérêt. C’est ce statut qu’on peut réactiver. On a donc là une solution non coûteuse pour les budgets publics (la transparence fiscale n’est pas une exonération : l’impôt reste dû, mais il est perçu ailleurs), non dépendante du bon vouloir bancaire, et d’inspiration volontariste. Ce choix parait très supérieur à celui actuel de la contrainte et de l’aide fiscale. Notons qu’en sus de contribuer à soutenir la construction, il peut offrir un produit de placement adapté à la gestion des revenus de retraite.